Fiche n°5

Les critères ESG, fiables ?

 

Aurèle TRANCHANT – Emilie TRANCHANT  – Date de publication : 23 janvier 2025 – MAJ : 26 mars 2025

Comprendre le concept en 1’ chrono

Les critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) sont devenus un outil clé d’évaluation de la performance extra-financière des entreprises. Ils sont censés permettre aux investisseurs de mesurer l’impact sociétal, environnemental et éthique d’une entreprise au-delà de ses performances économiques.

Le critère environnemental évalue les émissions de gaz à effet de serre, la gestion des ressources naturelles et l’engagement en faveur de la transition écologique​. Le critère social analyse les conditions de travail, la diversité et l’impact des entreprises sur la société​. Le critère de gouvernance porte sur la transparence, l’éthique des dirigeants et la structure du conseil d’administration​.

Cependant, derrière ces ambitions affichées, une question persiste : les critères ESG sont-ils réellement fiables pour juger de l’engagement d’une entreprise ? L’absence de normes uniformes, la subjectivité des notations et l’auto-évaluation par les entreprises elles-mêmes affaiblissent considérablement leur pertinence​. Des multinationales comme JBS ont été épinglées pour des pratiques de greenwashing, se targuant d’un engagement durable tout en étant impliquées dans la déforestation massive en Amazonie.

Les critères ESG sont aujourd’hui largement adoptés par les grandes entreprises et institutions financières, mais leur efficacité dépend de leur mise en œuvre. Si leur intégration dans les décisions d’investissement est un progrès, leur fiabilité reste un problème majeur. À ce jour, ils sont trop souvent utilisés comme un simple argument marketing, sans cadre contraignant ni vérification indépendante, laissant une grande place aux manipulations et aux interprétations opportunistes​.

Faire le point sur le champ conceptuel connexe

Les critères ESG s’inscrivent dans un cadre plus large incluant l’Investissement Socialement Responsable (ISR) et la finance durable.

L’ISR : consiste à intégrer les critères ESG dans les décisions financières pour privilégier des entreprises ayant un impact positif sur la société et l’environnement​.

La finance durable : regroupe toutes les pratiques financières visant à financer des projets écologiquement et socialement responsables. Elle inclut les obligations vertes et les fonds ISR, mais aussi les tentatives d’encadrement réglementaire des notations ESG​.

Greenwashing : des entreprises embellissent leur image en affichant des engagements durables sans réelle action concrète​.

CSRD : La Directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, ou directive (UE) 2022/2464 CSRD, également appelée directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive en anglais), est une directive de l’Union européenne qui établit un nouveau cadre de reporting des entreprises évaluant la soutenabilité de leur modèle.

ODD : Les objectifs de développement durable (ODD) sont les 17 priorités d’un développement économique et social, soucieux de respecter les populations et la planète.

Connaître l’historique du concept

Les préoccupations environnementales et sociales ne sont pas nouvelles. Dès les années 1960-1970, les mouvements écologistes et syndicaux ont commencé à dénoncer les pratiques irresponsables des entreprises​.

Le tournant institutionnel est venu en 2000 avec le Pacte mondial des Nations Unies, puis en 2006 avec les Principes pour l’Investissement Responsable (PRI), qui encouragent les investisseurs à prendre en compte les critères ESG​. L’ESG a été créé en 2004 par l’ancien secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, et a donné lieu en 2005 à la première étude, « Who cares Wins », élaborée conjointement avec certains des plus grands investisseurs institutionnels du monde. Cependant, ces critères ont évolué sans cadre harmonisé. À ce jour, les agences de notation utilisent des méthodologies différentes, entraînant des incohérences et rendant les comparaisons difficiles​.

Se situer dans le débat

Le débat sur la fiabilité des critères ESG oppose plusieurs visions :

  • Les partisans estiment que les critères ESG permettent de mieux identifier les risques extra-financiers, qui peuvent impacter la rentabilité à long terme​. 
  • Les sceptiques dénoncent le manque de standardisation des notations ESG et leur opacité. Deux entreprises similaires peuvent obtenir des notes très différentes selon l’agence de notation utilisée​.

Les critiques les plus sévères considèrent que les critères ESG ne sont souvent qu’un outil marketing, utilisé par des entreprises qui cherchent à améliorer leur image sans prendre de mesures concrètes​. L’affaire JBS illustre ces dérives : bien qu’affichant des engagements forts sur le développement durable, cette entreprise brésilienne a été impliquée dans des scandales de corruption et de destruction de l’Amazonie​.

L’un des principaux problèmes des critères ESG est qu’ils reposent sur des données auto-déclaratives fournies par les entreprises elles-mêmes. Il n’existe pas de cadre contraignant obligeant les entreprises à prouver la véracité de leurs engagements​.

Percevoir l’actualité et l’usage du concept

L’actualité récente confirme que la fiabilité des critères ESG est un enjeu majeur.

En 2021, l’affaire ExxonMobil a montré que les investisseurs activistes utilisent ces critères pour faire pression sur les entreprises. Un groupe d’actionnaires a réussi à imposer trois administrateurs au conseil d’ExxonMobil en dénonçant le manque d’engagement de l’entreprise sur le climat​.

En réponse aux critiques, l’Union européenne a introduit le règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) en 2023, visant à renforcer la transparence des informations ESG​. Cependant, cette réglementation reste perfectible : elle ne fixe pas encore de méthodologie unique pour la notation ESG, laissant la porte ouverte aux disparités d’évaluation​.

Pour les investisseurs, le manque de fiabilité des critères ESG pose un vrai problème. Comment être certain qu’un fonds labellisé ESG finance réellement des projets durables et ne se contente pas d’un habillage marketing ? Sans standards harmonisés, il est difficile de distinguer les initiatives authentiques des stratégies opportunistes​. Les critères ESG sont un outil essentiel pour promouvoir une économie plus responsable. Toutefois, leur manque de cadre normatif et la subjectivité des notations posent problème. Actuellement, ils ne permettent pas d’évaluer avec certitude l’engagement réel des entreprises.

Les récentes réglementations européennes vont dans la bonne direction, en particulier la CSRD, mais elles ne suffisent pas encore à garantir une transparence totale. Tant que les entreprises pourront s’auto-évaluer sans contrôle strict, la fiabilité des critères ESG restera limitée.

Approfondir : les références utiles

UNPRI (Principes pour l’Investissement Responsable) : Site officiel : https://www.unpri.org

Réglementation SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) : Texte officiel : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A32019R2088

Pacte mondial des Nations Unies (2000) – https://pactemondial.org/decouvrir/pacte-mondial-des-nations-unies/

Principes pour l’investissement responsable (PRI), 2006 – https://www.unpri.org/download?ac=19129

Réglementation SFDR (2023) – https://am.jpmorgan.com/fr/fr/asset-management/adv/investment-themes/esg/understanding-SFDR/#:~:text=Le%20règlement%20européen%20Taxonomie%2C%20qui,SFDR%20de%20l’UE13.

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